Marie Baudet – 29/04/2013 – Scènes – Critique
Un septuor réjouissant porte la langue affûtée de Szilárd Podmaniczky.
Quand Andréa Bardos a découvert les nouvelles du Hongrois Szilárd Podmaniczky, dans le recueil intitulé « Territoire gardé par un chien crevé », aussitôt jaillit chez elle l’envie d’en tirer un spectacle, en français. Avec l’accord de l’auteur, la comédienne s’attela à la traduction d’une douzaine de ces brefs récits de personnages ordinaires bousculés par un événement hors du commun. Elle confia son projet à son confrère Pierre Sartenaer. En sortit une esquisse de ce « Territoire » donnée lors d’une soirée de la Bellone. Et l’envie que ces paroles soient portées chacune par un interprète.
Le résultat a vu le jour jeudi au Labo, bel espace ouvert à l’expérimentation, sous les combles du Marni. Cinquante sièges forment un cercle. Andréa Bardos, Brigitte Dedry, Charlotte Deschamps, Eric Drabs, Bernard Eylenbosch, Pierre Sartenaer et Vital Schraenen (qui signe également la création lumières avec Maria Dermitzaki) sont assis parmi les spectateurs, sans distinction. Chacun prendra la parole, comme dans un groupe de discussion, pour livrer son histoire – en plusieurs morceaux.
Du découpage/montage des sept nouvelles retenues, initialement réalisé par Pierre Sartenaer, le collectif temporaire est passé à une structure plus spontanée : quelques repères seulement et des interventions quasiment aléatoires. Ce qui donne chaque soir une représentation différente. Et le sentiment d’un échange singulièrement vivant.
Sept acteurs, sept personnages, sept monologues, sept confessions, sept existences, intrinsèquement banales, déstabilisées voire poussées à la réflexion par un élément incongru. Un homme se surprenant à voler un sachet de soupe en poudre et à en ressentir une excitation qui le fait s’interroger sur sa vie de couple. Un habitué du festival du vin, sa femme, son ours en peluche géant et leurs amis. Une préposée à l’ascenseur d’un hôpital dont le mari a choisi la liberté plutôt qu’elle, en 1956. Une puéricultrice dont un pull rouge, jadis, a pesé sur son avenir. Truffés d’obsessions (de la nourriture au sexe en passant par la mort) et tissés d’un grand sens de l’observation, les monologues de Podmaniczky cultivent le minuscule dans lequel se nichent des ampleurs insoupçonnées. Le tout est livré ici avec la nonchalance et le naturel qui conviennent à cet humour ponctué de tragique.
« Territoire gardé par un chien crevé », de Szilárd Podmaniczky, douze monologues traduits du hongrois par Andréa Bardos-Féltoronyi, tome 1, vient de paraître aux éditions Kantoken, 114 pp., 11 €. Infos : www.kantoken.eu
Source : http://www.lalibre.be/culture/divers/article/812509/tour-de-parole-facon-mots-croises.html